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Questionner le viol


Avertissement : Dans ce numéro, nous traduisons le zine anglophone « The Broken Teapot ». Ce zine est plus violent et plus difficile que nos publications habituelles, et les personnes qui prennent la parole partagent des expériences intimes de violences conjugales et familiales, de viols, de meurtres et de suicides. De plus, les idées présentes dans ce zine sont radicalements critiques de la manière dont ces questions sont habituellement abordées dans les milieux militants féministes et queer, ce qui peut déclencher des émotions puissantes. Il est possible que vous vous sentiez attaqué·e·s à la lecture. C’est une impression qui peut tout à fait, en partie, être justifiée, si des idées importantes pour vous sont attaquées et remises en question. Nous vous conseillons de prendre le temps de lire ces textes à tête reposée, au calme, de manière à pouvoir observer au mieux ce qui, en vous, est menacé, et surtout ce qui ne l’est pas. Bonne lecture.

— L’équipe du Village

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L’acceptation

Comment fait-on pour dire « Je pense qu’on a tout faux depuis le début » ? Comment sortir d’une impasse sans faire marche arrière ?

Au cours des quinze dernières années, il semblerait que le viol soit passé d’un problème dont seules les féministes parlent, et que les autres communautés militantes minimisent, à l’une des formes d’oppression les plus abondamment discutées. Cette évolution est due, d’abord, au travail acharné des militant·es queer et féministes ; ensuite, à la propagation de l’anarchisme, et de son insistance à aborder les politiques de classe et de genre ; enfin, au mouvement anti-mondialisation, dans lequel des luttes auparavant isolées se sont vues réunies.

Malgré tous les changements survenus depuis quinze ans, il est toujours aussi courant d’entendre dire que le viol serait encore tacitement toléré dans les communautés militantes, ou que les questions de genre et de patriarcat seraient minimisées, quand bien même, dans la plupart des espaces militant·e·s ou anarchistes que je connais, la culture du viol et le patriarcat sont parmi les sujets dont on parle le plus, et que les mots y sont suivis d’actes. Dans les communautés dont j’ai fait partie, il y a eu des cas où des violeurs ou des agresseurs accusés ont été exclus et les survivant·e·s soutenu·e·s, et de nombreuses pratiques, événements et actions féministes ont été mis en place.

J’ai connu, par le passé, beaucoup de gens qui méprisaient le féminisme, et trouvaient absurde l’idée selon laquelle nous devrions tous·tes prendre la culture du viol au sérieux. Aujourd’hui, je ne vois aucun·e militant·e pour dire cela ouvertement, et peu dont les actions laisseraient croire qu’iels le penseraient intérieurement.

Cependant, tous les ans, je rencontre encore d’autres gens qui me racontent des histoires de communautés déchirées par des accusations de viol ou d’abus, à la fois par le choc et le traumatisme du préjudice initial, et par la façon dont les gens réagissent et se positionnent. On pourrait se dire que c’est le fait d’une majorité d’apathiques, qui suivraient docilement la tendance et le nouveau dogme politique sans que cela ne reflète leurs véritables valeurs. Dans certains cas, je pense que c’est exactement ce qui se passe. Mais, même quand la communauté entière s’implique, ça tourne encore souvent très mal.

Après des années à réfléchir à ce problème, à apprendre des expériences des autres, et à assister aux processus de justice communautaire de l’intérieur et de l’extérieur, je crois fermement que le système que nous avons mis en place pour comprendre le viol et y répondre est profondément défectueux. Pendant longtemps, j’ai entendu des critiques de ce système, mais, d’une part, je n’avais jamais lu de telles critiques formulées dans le détail, et, d’autre part, j’avais appris à penser que quiconque critiquant le système faisait l’apologie du viol, ou cherchait juste à se défendre face à la remise en cause de ses propres comportements patriarcaux. Après avoir personnellement rencontré bon nombre de personnes critiques qui étaient elles même féministes de longue date et survivantes de violences sexuelles, j’ai commencé à sérieusement questionner mes prises de position.

J’ai fini par me convaincre que la façon dont nous comprenons et traitons le viol est complètement erronée, et cause souvent plus de mal que de bien. Bon nombre des caractéristiques du modèle actuel étaient des réponses sensées à un milieu de gauche qui ne se souciait tout simplement pas du viol et du patriarcat. Peut-être que le plus gros défaut de ce système, et des militant·es qui l’ont développé, est que, même s’iels avaient l’intention de s’opposer aux attitudes patriarcales les plus flagrantes de la gauche traditionnelle, iels étaient inconsciemment influencées par la mentalité puritaine et sécuritaire à laquelle la société patriarcale nous formate. Je ne veux pas, pour autant, retourner à l’époque où ces questions restaient étouffées sous un silence complice. Pour cette raison, je veux équilibrer chaque critique que je fais du système actuel avec une suggestion pour une meilleure façon de comprendre et de traiter le viol.

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Mon expérience

De l’époque où j’étais dans une relation mutuellement abusive – où nous avons fait, tout·e·s les deux, sans en avoir tout à fait conscience, des choses que nous n’aurions pas dû faire et qui ont causé des préjudices psychologiques graves à l’autre – j’ai retenu quelques leçons intéressantes sur l’étiquette de « survivant·e ». Notamment, qu’elle possède un pouvoir qui entre en contradiction avec le processus de guérison. Si on m’accusait d’abus, je devenais une personne moralement méprisable. Mais si j’étais également un·e survivant·e, je méritais soudain de la sympathie et du soutien. Rien de cela ne dépendait des faits en question, ou de comment nous nous faisions mutuellement du mal. En fait, personne d’autre ne connaissait les détails, et nous-mêmes n’arrivions pas à nous mettre d’accord dessus. La seule chose qui importait était l’accusation. Et comme le modèle militant nous l’a rapidement appris, il ne suffisait pas de dire « tu me fais du mal ». Nous devions nommer un crime spécifique. « Maltraitance. » « Agression. » « Viol. » Un mot issu d’une liste très précise de mots qui possèdent un pouvoir spécial. Pas si différent d’un code pénal.

Je ne voulais pas me trouver des excuses pour la façon dont j’avais blessé quelqu’un que j’aimais. Je voulais comprendre comment j’avais pu être capable de lui faire du mal sans m’en rendre compte. Mais voilà, il me fallait rediriger ma souffrance et ma colère vers l’autre, et lui faire prendre la forme d’accusations exprimées dans un langage bien spécifique, sous peine de devenir infréquentable et de subir un préjudice bien plus grand que l’effondrement de cette seule relation. Le fait que je vienne d’une famille abusive me faisait également gagner des points supplémentaires. Tout le monde, y compris ceux qui refusent de l’admettre, sait que dans ce système, avoir souffert d’abus dans le passé donne une sorte de légitimité pour faire du mal à quelqu’un d’autre. Mais je ne veux pas d’excuses. Je veux m’améliorer, et je veux pouvoir vivre sans perpétuer le patriarcat. Je ne veux certainement pas parler des moments douloureux de mon passé avec des gens qui ne sont pas inconditionnellement compréhensifs envers moi, comme si c’était le seul moyen de gagner leur sympathie ou de devenir humain·e à leurs yeux.

Quant à la personne en face de moi, je ne sais pas ce qui se passait dans sa tête, mais je sais que le fait de m’avoir accusé·e d’abus lui a permis de nier m’avoir jamais fait du mal, avoir violé mon consentement et mon autonomie et m’avoir menti. L’étiquette de « survivant·e » la dédouanait de toute responsabilité. Elle lui permettait également de me poser des exigences, que j’ai toutes satisfaites, même quand elles causaient de la souffrance, à moi-même ou à d’autres personnes. Comme je n’avais pas choisi de proférer d’accusation publique, j’avais beaucoup moins de pouvoir pour me protéger dans cette situation.

Quant à la soi-disant communauté… Mes amis proches me soutenaient. Certain·es m’ont interrogé·e et se sont assuré·es que je faisais mon travail de remise en question. Celleux qui n’étaient pas mes ami·es, ou avaient des rancunes à mon égard, ont tenté de m’exclure, y compris une personne à qui des abus avaient déjà été reprochés. En d’autres termes, l’accusation d’abus a été utilisée comme un outil dans des jeux de pouvoir au sein de notre soi-disant communauté.

Malgré toutes ses grandes déclarations sur la centralité des besoins émotionnels des gens, le modèle militant est d’une apathie totale. La seule manière de mettre en route la machine de la justice communautaire est d’accuser quelqu’un d’avoir commis un crime spécifique.

C’est le rôle de nos ami·es et de nos proches que de nous questionner – nos réactions, nos pulsions, et même nos propres expériences – et ce qu’iels nous apportent alors est inestimable. Cette forme de questionnement est en fait l’une des choses les plus précieuses qu’offre l’amitié. Personne n’est infaillible et on ne peut qu’apprendre, et grandir, par cette remise en question. Un·e bon·ne ami·e est quelqu’un qui peut questionner notre comportement dans une période difficile sans jamais nous retirer son soutien. L’idée que « lea survivant·e a toujours raison » noie le processus de guérison dans un bain d’égoïsme. Un·e survivant·e, autant qu’un·e agresseur·se d’ailleurs, a besoin de diriger sa propre guérison, mais les personnes qui les soutiennent ne peuvent pas être mises en sourdine. On ne peut attendre d’elles qu’elles satisfassent leurs moindres désirs. C’est évident dans le cas d’une personne qui a fait du mal à quelqu’un d’autre ; cela devrait également être clair dans le cas d’une personne qui a subi des abus. Nous avons besoin les un·es des autres pour guérir. Mais les autres, dans un processus de guérison, ne peuvent pas être des organes muets. Ils doivent être des organes de communication et de critique.

Agresseur·se / Survivant·e

L’usage du terme « agresseur·se » devrait immédiatement déclencher un signal d’alarme. Le système actuel utilise, non seulement le vocabulaire, mais aussi la grammaire du système de justice pénale, qui est une institution profondément patriarcale. C’est parfaitement logique : l’ordre public est l’un des éléments les plus profondément ancrés dans la psyché américaine. De manière plus immédiate, beaucoup de militantes féministes ont un pied dans des communautés militantes, et l’autre dans des ONGs. Le manque de recul critique sur ces ONGs ne fait que nous assurer d’autant plus qu’elles nous formeront aux modes de pensée institutionnels.

La méthode actuelle n’est pas seulement révoltante de par son puritanisme et sa similarité avec les notions chrétiennes d’élus et de damnés ; elle est également en contradiction avec les conceptions queer, féministes et anarchistes du patriarcat. Si tout le monde, ou en tout cas la plupart des gens, sont capable de blesser, de maltraiter, ou même de violer quelqu’un (selon la définition militante qui peut inclure ne pas reconnaître l’absence de consentement, à la différence de la définition traditionnelle qui s’axe sur un viol brutal), alors ça n’a pas de sens de stigmatiser moralement ces personnes comme étant particulièrement mauvaises ou dangereuses. Ce que nous essayons de porter, comme discours, ce n’est pas que les quelques personnes, relativement peu nombreuses, qui sont accusées d’abus, ou même de viol, sont particulièrement mauvaises. C’est que l’ensemble de la culture soutient de tels dynamiques de pouvoir, dans la mesure où ces formes d’abus sont courantes. En adoptant une position moralisatrice de « tolérance zéro », tous·tes les autres peuvent se donner le beau rôle, le rôle de « gentil ». Mais il ne peut y avoir de « gentils » sans « méchants ». C’est le même récit patriarcal du bourreau, de la victime et du sauveur, bien que dans ce dernier rôle, au lieu du petit ami ou du policier, nous avons maintenant la communauté.

Le terme « survivant·e », de son côté, continue de recréer la victimisation du terme traditionnel « victime », qu’il a pourtant été conçu pour remplacer. Certes, il y a des bonnes raisons d’utiliser le mot « survivant·e » pour désigner quelqu’un. D’abord, cela permet d’insister sur son processus de reconstruction après le viol, même si ça amène à lea définir constamment par sa relation avec celui-ci. Une autre raison est de sensibiliser et faire connaître le nombre de milliers de personnes, principalement des femmes, des personnes queer et trans, qui sont blessé·es et tué·es chaque année par les violences patriarcales. Ce sont des points importants à souligner. Cependant, étant donné la manière dont le viol a été redéfini dans les milieux militants, la grande majorité des choses qui constituent un viol ou un abus n’ont pas la moindre petite chance de mettre fin à la vie de quelqu’un. L’extension du terme de « survivant·es » aux personnes qui ont souffert d’abus de n’importe quelle sorte crée la confusion entre des formes de violence très différentes.

Juger le mal commis

J’espère que le lecteur est en train de se dire qu’une action n’a pas besoin d’être potentiellement mortelle pour constituer une forme très réelle d’abus. Je suis absolument d’accord. Mais alors, pourquoi devrions-nous faire comme si c’était le cas pour être pris au sérieux ? Pourquoi amalgamer toutes les formes d’abus avec celles qui sont potentiellement mortelles, au lieu d’affirmer que toute souffrance mérite notre attention ?

Nous avons vu la définition de ces crimes changer considérablement, mais ils restent des catégories criminelles, qui doivent répondre aux exigences d’une certaine définition pour justifier une certaine sanction. La radicalité du modèle militant repose dans la suppression de l’autorité du juge, pour permettre à la personne lésée de juger par elle-même. Cependant, le rôle de juge n’a pas été aboli, simplement transféré – à la personne survivante, d’abord, et aux personnes qui gèrent le processus de justice communautaire, ensuite. L’acte de juger a toujours lieu, parce qu’il s’agit toujours de punir un crime, même si on ne l’appelle jamais ainsi.

La définition patriarcale du viol a été abandonnée en faveur d’une nouvelle compréhension qui définit le viol comme un acte sexuel sans consentement, avec des ateliers entiers et des brochures consacrées à la question du consentement. Le consentement doit être une affirmation, plutôt que l’absence de négation ; il est nul et non avenu en cas d’intoxication, d’intimidation ou d’insistance ; il doit être verbal et explicite entre des personnes qui ne se connaissent pas très bien ; il peut être retiré à tout moment. L’expérience d’un·e survivante ne doit jamais être questionné·e, ou, pour reformuler, une accusation de viol est toujours vraie. On peut résumer cette définition de la manière suivante : « l’agression, c’est quand je me sens agressé·e ».

Cette nouvelle définition est une réponse à celle du patriarcat, qui excuse volontiers les formes de viol les plus communes (viol par des connaissances, viol sur des personnes incapables de donner leur consentement, ou sur des personnes qui ne disent pas clairement « non »). C’est une réponse à une culture patriarcale qui a toujours trouvé des excuses pour les viols, ou des moyens de blâmer les victimes.

La vieille définition et la vieille culture sont détestables. Mais la nouvelle définition et la pratique qui l’entoure ne fonctionnent pas. Nous devons les changer sans retourner dans la norme patriarcale. En fait, nous n’avons pas complètement laissé cette norme derrière nous. Dire que « l’agression, c’est quand je me sens agressé·e » a un sens, s’il s’agit de transitionner vers une éthique entièrement nouvelle, dans laquelle l’important est de traiter le préjudice émotionnel, le « sentiment » de tort causé. C’est une éthique subjective, qui donne la priorité aux émotions et aux besoins personnels des gens. Mais quand « l’agression, c’est quand je me sens agressé·e » n’est qu’une nouvelle façon de déterminer quand le crime d’agression a été commis, en gardant le même accent sur la transgression de l’agresseur·se, alors nous avons conservé la mentalité du système de justice pénale, mais sans la justice, ni l’équilibre.

Faire la différence entre viol et abus

Je ne veux pas différencier le viol des autres formes d’abus sans parler de comment traiter de manière appropriée chacune de ces situations. Une solution qui ne nous obligerait pas à juger quelle forme d’abus est la plus importante, mais qui ne prétendrait pas non plus que les abus se valent tous, aurait deux principes.

Le premier serait de reconnaître l’importance des sentiments individuels, en agissant quand quelqu’un exprime « j’ai été blessé·e », sans attendre qu’une accusation portant sur un crime spécifique, comme la maltraitance ou le viol, soit proférée. Parce que nous répondons à la souffrance elle-même, et non à la violation d’une loi non écrite, nous n’avons pas besoin de chercher quelqu’un à blâmer. L’élément important est que cette personne souffre, et a besoin de soutien. Ce n’est que si elle découvre qu’elle ne peut pas aller mieux sans passer par une forme de médiation avec l’autre personne, ou en prenant de l’espace et de la distance par rapport à elle, que cette autre personne doit être impliquée. L’autre personne n’a pas besoin d’être stigmatisée, et les jeux de pouvoir impliqués par les étiquettes d’agresseur·se et de survivant·e sont évités.

Le second serait de mettre l’accent, non sur la définition des violations du consentement, mais sur la manière de les empêcher de se reproduire. Tout acte blessant peut être étudié avec la question suivante à l’esprit : « Qu’aurait il été nécessaire de faire pour empêcher que cela arrive ? ». Cette question doit être posée par la personne qui a été blessée, par son cercle social, et, si possible, par la personne qui a causé la blessure.

Le cercle social est le plus susceptible de répondre à cette question quand l’abus a un lien avec une relation à long terme ou des espaces sociaux communs. Iels pourraient réaliser qu’avec plus d’attention et une meilleure préparation, iels auraient pu voir les signes d’une relation abusive, exprimer leur inquiétude, ou offrir leur aide. Ou bien iels pourraient réaliser que, dans une salle de concert qu’ils utilisent habituellement, il y a un certain nombre de choses qu’iels peuvent tou·tes faire pour faire comprendre que les attouchements et le harcèlement ne sont pas acceptables. Malgré tout, dans certaines situations, on ne peut qu’offrir de l’aide après les faits. On ne peut être dans toutes les chambres, ou dans toutes les ruelles sombres, pour empêcher les formes de violences sexistes ou intimes qui s’y passent.

Quant à la personne qui a causé le préjudice, le facteur le plus important est de savoir si elle est émotionnellement présente pour se poser cette question. Si elle peut se demander « Qu’aurais-je pu faire pour ne pas blesser cette personne ? », elle aura effectué le pas le plus important pour identifier son propre conditionnement patriarcal, et/ou vers la guérison de traumatismes passés, le cas échéant. Si elle est émotionnellement consciente des souffrances qu’elle a causé, elle mérite du soutien. Les personnes proches de la personne blessée peuvent être légitimement en colère et ne rien vouloir avoir à faire avec elle, mais il devrait y avoir d’autres personnes prêtes à tenir ce rôle. La personne blessée a le droit de prendre de la distance, si elle le veut, mais, à part dans des cas extrêmes, ce n’est pas bénéfique de stigmatiser et d’exclure l’agresseur·se de manière permanente.

Si elle peut se poser cette question honnêtement, et, surtout, si ses pairs peuvent la questionner dans le cadre de ce processus, il se peut qu’elle découvre qu’elle n’a rien fait de mal, ou qu’elle ne pouvait pas savoir que ses actions auraient pu être néfastes. Des fois, les relations font simplement mal, et il n’est pas nécessaire de trouver quelqu’un à blâmer, même si c’est souvent ce qui se passe, à tort ou à raison. Le fait que certaines relations soient extrêmement blessantes, mais aussi totalement innocentes, est une autre raison pour laquelle il est dangereux de mettre dans le même panier toutes les formes de souffrance, en supposant qu’elles sont toutes le résultat d’un acte d’abus dont quelqu’un est responsable.

Si ses ami·es sont à la fois critiques et compatissant·es, elle sera plus susceptible de pouvoir reconnaître quand elle a fait quelque chose de mal, et, avec ses ami·es, elle sera la mieux placée pour savoir comment changer son comportement afin de ne pas refaire du mal de la même manière à l’avenir. Si ses ami·es ont un bon contact avec la personne qui a été blessée (ou les ami·es de cette personne), iels seront plus susceptibles de prendre la situation au sérieux et de ne pas laisser la personne qui a causé le préjudice s’en sortir par la facilité.

À l’autre extrême, il y a les individus qui agissent de manière inexcusable et sont totalement incapables de l’admettre. Pour faire simple et rapide, si quelqu’un blesse une autre personne et n’est pas émotionnellement présent par la suite, il est impossible de tenir compte de ses émotions. On ne peut sauver quelqu’un qui ne veut pas d’aide. Dans ces cas là, la personne blessée et son cercle social doivent faire ce qui est le mieux pour elleux, à la fois pour guérir et pour se protéger d’une personne dont iels n’ont aucune garantie qu’elle les traitera mieux à l’avenir. Peut-être décideront-iels d’humilier cette personne, de l’effrayer, de la tabasser ou de la chasser de la ville. Bien que le fait de les expulser du territoire apporte la plus grande tranquillité d’esprit, cela doit être considéré comme un dernier recours, car cela reporte le problème sur la prochaine communauté où la personne expulsée se rend. Comme il s’agit d’une mesure relativement simple, elle est également facile à utiliser de manière disproportionnée. Plutôt que de trouver une solution pour éviter les conflits futurs, il vaut mieux chercher une solution conflictuelle. Cela force les gens à faire face aux conséquences de leur propre colère justifiée, ce qui peut être tout un apprentissage.

Au final, la question la plus importante vient de la personne qui a subi l’abus. La mentalité de victimisation de notre culture, et la défensivité née des nombreuses situations où l’on s’en prend aux victimes, font qu’il est politiquement incorrect d’insister pour que la personne qui a été blessée se demande « Qu’est-ce qui aurait permis d’éviter cela ? ». Mais une telle attitude est nécessaire pour dépasser la mentalité de victime et se sentir retrouver de nouveau son pouvoir. Ce sera utile pour continuer à vivre dans un monde patriarcal, où nous rencontrerons probablement davantage de personnes qui tenteront de nous nuire. Il ne s’agit pas de nous blâmer pour ce qui s’est passé, mais de devenir plus fort et plus apte à nous défendre à l’avenir.

Je sais que certain·es défenseur·ses zélé·es du système actuel vont m’accuser de blâmer la victime, alors je tiens à le répéter : il s’agit de prévenir les viols et les abus futurs, et non de nous blâmer nous-mêmes si nous avons été violé·es ou maltraité·es. Le système actuel suggère que les gens jouent le rôle de la victime et attendent que la société ou la communauté les sauvent. Beaucoup d’entre nous pensent que c’est des conneries. En parlant à des proches qui ont été violé·es, et en me remémorant mon propre passé d’abus, je sais que nous sommes devenus plus fort·es à certains égards, et ce, parce que nous avons pris la responsabilité de notre propre santé et de notre sécurité.

Dans certains cas, la personne qui a été blessée constatera que si elle avait reconnu certains schémas de dépendance ou de jalousie, si elle avait eu plus d’estime d’elle-même, ou si elle s’était mieux affirmée, elle aurait pu éviter d’être blessée. Sauf à vouloir adopter (ou conserver) une morale puritaine, cela ne veut pas dire que c’était de sa faute. Il s’agit simplement de reconnaître qu’elle a besoin de grandir et de devnir plus fort·e, plus capable d’assurer sa sécurité dans un monde dangereux. Cette méthode ne se concentre pas sur le blâme, mais sur l’amélioration des choses.

La plus extrême forme d’abus

Il y a des cas, cependant, où la personne arrive à la conclusion suivante : « franchement, il n’y a rien que j’aurais pu faire (à part rester chez moi, avoir une arme ou avoir un garde du corps) ». Cette réponse marque la forme d’abus la plus extrême. Quelqu’un a subi une forme de violence qu’iel n’aurait pas pu éviter en raison des efforts déployés par l’agresseur·se pour outrepasser sa volonté. Même crier « Non ! » n’aurait pas été suffisant. C’est une forme d’abus qui ne peut pas être prévenue au niveau individuel et c’est pourquoi cela continuera à se reproduire tant qu’il n’y aura pas une profonde révolution sociale, si cela arrive un jour.

Si nous devons définir le viol, il semblerait plus cohérent avec une analyse radicale du patriarcat de le définir comme un acte sexuel commis contre la volonté de quelqu’un. Puisque la volonté se définit comme « ce que nous voulons voir traduit en actes », cette définition du viol aurait l’avantage de ne pas rendre la victime potentielle dépendante du bon comportement du violeur potentiel. Il est de notre responsabilité d’exprimer notre volonté. Le fait de se concentrer sur l’expression et l’exécution de notre volonté nous renforce directement en tant qu’individus, et renforce nos luttes contre le viol et toutes les autres formes de domination.

Si le viol est tout sexe sans consentement affirmatif, alors c’est le violeur potentiel, et non pas la potentielle victime, qui conserve le pouvoir sur la relation sexuelle. Il a la responsabilité de s’assurer que l’autre personne donne son consentement. Affirmer qu’une personne est responsable de s’assurer du consentement d’une autre, c’est affirmer que cette personne est plus puissante que l’autre, sans proposer comment changer cette dynamique de pouvoir.

En outre, si un viol peut se produire accidentellement, simplement parce que cette personne responsable, celle de qui on attend qu’elle soit un parfait gentleman, est inattentive, ou négligente, ou alcoolisée, ou ignorante des certaines choses (comme des signaux du langage corporel qui contrediraient un consentement exprimé verbalement), ou encore qu’elle vient d’une autre culture, avec un langage corporel différent, alors nous n’avons pas forcément affaire à une relation de pouvoir systémique et généralisée. Tou·tes celleux qui violent, selon cette définition, ne pensent pas forcément que le corps de l’autre leur appartient de droit.

Le viol doit être compris comme une forme d’abus très spéciale. Nous ne pouvons pas encourager l’idée naïve d’un monde sans danger. Les gens se feront toujours mutuellement du mal, et apprendre à ne pas blesser les autres ne peut pas se faire sans commettre des erreurs. En ce qui concerne la douleur infligée, nous devons faire preuve de plus de compréhension que de jugement.

Mais nous pouvons et devons encourager l’idée d’un monde sans viol, car le viol est le résultat d’une société patriarcale qui apprend à ses membres que les hommes, et les personnes dominantes en général, ont des droits sur le corps des femmes, et des personnes dominées en général. Sans cette idée, il n’y a pas de viol. La culture du viol, comprise dans ce sens, se situe au moins partiellement au cœur des institutions de l’esclavage, de la propriété, et du travail, et aux racines de l’État, du capitalisme et de l’autorité.

C’est la ligne de démarcation entre cette forme de violences et toutes les autres formes d’abus. Cela ne veut pas dire que ces autres formes sont moins graves ou moins importantes, seulement qu’elles peuvent être traitées par des mesures moins extrêmes. Une personne ou un groupe qui ne laisse aucune échappatoire à sa victime ne peut être traité que par l’exclusion et la violence. Cela devient une question de pure autodéfense. Dans tous les autres cas, il y a la possibilité d’évolution mutuelle et de guérison.

Questionner le viol

Questionner quelqu’un avec sympathie et soutien peut jouer un rôle-clé dans les réponses aux abus. Si nous acceptons le viol comme une forme de violence extrême que la personne n’aurait pas pu raisonnablement éviter, alors qui le subit mérite le soutien et l’affection inconditionnels de ses proches.

Nous devons nous éduquer à voir comment le patriarcat a systématiquement fait taire celleux qui parlent de leur viol par la méfiance, le scepticisme ou les contre-accusations. Mais nous devons également être conscient·es qu’il y a eu quelques (rares) cas où les accusations de viol étaient fausses. Aucune pratique libératrice ne devrait jamais nous obliger à abandonner notre esprit critique et à exiger que nous suivions une ligne de conduite que nous ne serions pas autorisé·es à remettre en question.

Être faussement accusé·e de viol, ou être accusé·e de manière non transparente, est une expérience très traumatisante. C’est beaucoup moins fréquent que les accusations valables de viol que l’accusé·e nie, mais nous ne devrions jamais avoir à choisir un type d’abus pour en éviter un autre.

S’il est vrai que des violeur·ses existent dans nos cercles sociaux, il y existe également des menteur·ses pathologiques. Il y a eu au moins une ville où une telle personne a proféré une fausse accusation de viol pour discréditer un autre militant. Les gens qui se préoccupent de lutter contre le patriarcat ne soupçonneront pas quelqu’un de mentir pathologiquement à chaque fois qu’iels sont incertain·es sur une accusation de viol. Si vous êtes proches de quelqu’un pendant assez longtemps, vous découvrirez inévitablement s’iel est fondamentalement malhonnête (ou si iel est comme tout le monde, parfois honnête et parfois moins). Par conséquent, les proches de quelqu’un, s’iels s’intéressent à la lutte contre la culture du viol, ne les accuseront jamais de mentir s’iels disent avoir été violé·es. Mais, souvent, les accusations se répandent par des rumeurs et atteignent des gens qui ne connaissent personnellement ni l’accusateur·ice, ni l’accusé·e. La culture de la communication anonyme, via les rumeurs et les réseaux sociaux, crée souvent des situations abusives dans lesquelles il est impossible de discuter de la culpabilité de quelqu’un, ou de la véracité de ce qui, paraît-il, s’est passé loin et il y a longtemps.

Les anarchistes et autres activistes ont également beaucoup d’ennemis qui se sont révélés capable d’atrocités pour les réprimer. Une fausse accusation de viol n’est rien à leurs yeux. Une infiltrée de la police au Canada s’est faite passer pour une survivante d’une relation abusive pour éviter les questions sur son passé et gagner la confiance des anarchistes qu’elle allait ensuite piéger avec des peines de prison. Ailleurs, un membre d’un groupe socialiste autoritaire a proféré des accusations contre plusieurs anarchistes rivaux, dont l’un s’est avéré ne même pas avoir été dans cette ville la nuit en question.

Certaines fausses accusations de viol sont totalement innocentes. Parfois, une personne commence à revivre une expérience traumatisante passée en partageant un moment physiquement intime avec une autre personne, et il n’est pas toujours facile (ou même possible) de faire la part des choses entre une expérience et l’autre. Une personne peut commencer à revivre un viol lors d’un acte sexuel consenti. Ce n’est certainement pas la faute d’une personne si elle a eu une réaction normale au traumatisme, mais ce n’est pas non plus nécessairement la faute de l’autre si le traumatisme a été déclenché.

Une définition mutuelle et dynamique du consentement comme communication active au lieu de négation passive contribuerait à réduire les éléments déclencheurs faussement qualifiés de viol. Si les déclencheurs potentiels sont discutés avant l’échange sexuel, si la responsabilité de communiquer les besoins et les désirs concernant la dissociation est entre les mains de la personne qui dissocie, alors le consentement fait partie d’une pratique sexuelle saine et active au lieu d’être simplement un filet de sécurité plein de trous.

Si quelqu’un sait qu’il lui arriver de se dissocier pendant le sexe, il est de sa responsabilité d’expliquer à quoi cela ressemble et ce qu’iel voudrait que l’autre personne fasse si cela se produit. Nous vivons dans une société ou beaucoup de personnes sont agressées, violées, ou subissent des expériences traumatisantes pendant leur vie. Les déclencheurs sont différents pour tout le monde. Attendre d’un·e partenaire qu’iel soit toujours suffisamment à l’écoute pour savoir quand on est en train de se dissocier, dans un contexte sociétal qui ne nous éduque pas sur les conséquences du viol, et moins encore leurs conséquences émotionnelles et psychologiques intimes, est utopique. Le consentement est un outil actif qui donne du pouvoir, il ne doit pas être considéré comme une obligation statique. Il n’en reste pas moins que toutes les fausses accusations de viol ne peuvent pas être qualifiées de mauvaise communication. Certaines sont, en fait, malveillantes.

D’une part, le patriarcat couvre les viols, et d’autre part, il y aura toujours des accusations fausses, injustifiées, ou même malveillantes, dans les communautés militantes. Ce sont deux choses difficiles à prendre en compte en même temps. La meilleure option n’est pas de ne pas se reposer sur les probabilités statistiques et de traiter chaque accusation comme vraie, car une fausse accusation peut déchirer une communauté entière et rendre les gens apathiques ou sceptiques à l’égard des futurs processus de justice communautaire. Il est bien mieux de s’éduquer, d’être conscient·e de la prévalence du viol, de reconnaître les schémas de comportements abusifs, d’apprendre comment répondre de manière sensible et solidaire, tout en reconnaissant qu’il y a des exceptions à la règle, et beaucoup d’autres situations qui sont complexes et défient nos tentatives de définition.

Solutions

La solution habituellement proposée pour répondre au viol, le processus de justice communautaire, est basé sur un mensonge évident. Il n’y a pas de communautés militantes, seulement le désir de communautés, ou la fiction commode de communautés. Une communauté est une toile matérielle qui relie les gens ensemble, pour le meilleur ou le pire, en interdépendance. Si ses membres déménagent tous les deux ans parce que l’endroit suivant semble mieux, ce n’est pas une communauté. S’il est plus facile d’exclure une personne que d’avoir des conversations difficiles avec elle, ce n’est pas une communauté. Dans les sociétés qui avaient de vraies communautés, l’exil était la sanction la plus sévère possible, équivalent à la peine de mort. À de nombreux égards, la perte de la communauté et de toutes les relations qu’elle impliquait, était une forme de mort. Ne nous voilons pas la face : nous n’avons pas de communautés.

Dans de nombreux processus de justice communautaire, la soi-disant communauté a fait autant de mal, ou a agi aussi égoïstement, que l’agresseur·se. Donner à un tel groupe fictif et intéressé le pouvoir et l’autorité d’un juge, d’un jury et d’un bourreau est le meilleur moyen de provoquer des désastres.

Ce que nous avons, ce sont des groupes d’ami·es et des cercles de connaissances. Nous ne devrions pas nous attendre à pouvoir traiter les viols ou les abus d’une manière qui ne génère pas de conflits entre, ou parmi, ces différents groupes et cercles. Il n’y aura probablement jamais de consensus, mais nous ne devons pas considérer le conflit comme une mauvaise chose.

Tous les viols sont différents, toutes les personnes sont différentes, et chaque situation nécessitera une solution différente. En essayant de mettre au point un mécanisme unique pour traiter les viols de façon systématique, nous pensons comme la justice pénale. Il est préférable d’admettre que nous n’avons pas de réponse toute faite à un problème aussi difficile. Nous n’avons que notre propre désir d’améliorer les choses, aidé·es par les connaissances que nous partageons. Le but n’est pas de construire une structure qui deviendrait parfaite et irréprochable, mais de construire une expérience qui nous permette de rester souples tout en étant efficaces.

Conclusion

Les nombreuses failles du modèle actuel épuisent les militant·es. Il ne faut que quelques années avant qu’une génération entière parte en burn-out, laissant sa place à une nouvelle vague d’activistes zélé·es, prêt·es à pousser leurs idéaux à l’extrême, à dénoncer toute remise en question comme une forme d’apologie du viol, sans savoir combien de fois cette même dynamique a été rejouée auparavant. Comme le modèle fonctionne de façon à expulser celleux qui ne s’y conforment pas, il devient impossible d’apprendre de ses erreurs.

L’une de ces erreurs a été la reproduction des mécanismes de condamnation et de peine du système de justice pénale. Si les gens en charge du processus de justice communautaire décident que quelqu’un doit être expulsé, ou forcé d’aller en consultation, ou quoi que ce soit d’autre, tout le monde dans la soi-disant communauté doit accepter cette décision. Celleux qui ne le font pas sont accusé·es de soutenir la culture du viol. Un juge dispose d’une force de police pour appuyer ses décisions. La justice communautaire utilise l’anathème et le chantage émotionnel.

Mais le principe selon lequel tout le monde devrait être d’accord avec ce qui ressort du processus est mauvais. Les deux personnes (ou plus) directement impliquées dans la situation problématique peuvent avoir des besoins différents, même s’iels sont sincèrement focalisé·es sur leur propre guérison. Les ami·es de la personne qui a été blessée peuvent être dégoûté·es et décider de frapper l’autre personne. D’autres gens, dans le cercle social élargi, peuvent ressentir une sympathie critique envers la personne qui a blessé quelqu’un d’autre, et décider de la soutenir. Ces deux pulsions sont correctes. Pouvoir se faire tabasser comme conséquence de ses actions, et pouvoir recevoir du soutien, cela démontre bien la complexité des réactions que nous générons. Ceci est le monde réel, et c’est faire face à sa complexité qui peut nous aider à guérir.

Le réflexe du modèle militant est d’expulser l’agresseur·se, ou de lea forcer à passer par un processus spécifique. Dans les deux cas, cela repose sur l’hypothèse selon laquelle le mécanisme communautaire détient un droit absolu. Dans les deux cas, cela nécessite que tout le monde se conforme à la décision prise et reconnaisse sa légitimité. C’est de l’autoritarisme. C’est le système de justice pénale, recréé. C’est le patriarcat, toujours en vie dans nos cœurs.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un nouvel ensemble de directions, et non de nouveaux modèles. Il nous faut identifier et dépasser les mentalités du puritanisme et de l’ordre public. Nous devons reconnaître la complexité des individus et des relations interpersonnelles. Pour éviter une morale stéréotypée, nous devons éviter de recourir aux étiquettes toutes faites et aux catégories trop larges. Plutôt que de parler de violeur·ses, d’agresseur·ses, et de survivant·es, il vaut mieux parler d’actes et de limitations spécifiques, reconnaissant que tout le monde change, et que la plupart des gens sont capables de souffrir et faire souffrir, mais aussi d’évoluer, de guérir et d’apprendre comment ne plus blesser les gens, ou comment ne plus se retrouver en position de subir, dans le futur. Il nous faut aussi faire la distinction critique entre les formes de souffrances et d’abus qui peuvent être évitées à mesure que nous devenons plus fort·es et plus intelligent·es, et celles qui nécessitent une autodéfense collective.

Les suggestions que j’ai faites n’offrent pas de réponses faciles, ni de catégories parfaites. Elles demandent de la souplesse, de la compassion, de l’intelligence, du courage, et de la patience. Comment pourrions-nous espérer faire face au patriarcat avec moins que cela ?